Porte
du ciel
Si Babel touche à l’universel, son sens est
diversement interprété et
capté par une tradition qui veut en faire,
comme d’autres épisodes du récit
biblique, le point-limite de l’expérience
humaine: tentation et
sanction. La porte du ciel entr’ouverte,
comme l’arbre du connaître appellent
à l’aventure, à une liberté
à inventer. La mort, certes, guette, et
l’altérité, mais aussi le pouvoir
d’imaginer que le sang et la poussière de
l’Adam, de l’Homm’un, relèvent du ciel : un
fil aimant et tranchant le rattache en effet
à cette connaissance et à cette
mémoire des anges. Babel éveille une
conscience et une hauteur d’homme, qui aura
besoin plus que d’une tour de briques et de mots
pour lever et rattraper
l’éternité du ciel.
La
peinture de Danièle Givry s’inscrit bien
dans ce travail d’inscription itérative du
mot dans l’argile de la couleur (d’ors) et du
papier, collé, chagriné,
semblable aux ailes froissées des anges.
Des colonnes de mots, des tours de signes
énigmatiques semblent peser sur leur
secrète voilure (la toile) pour qu’ils ne
s’envolent pas, pour que l’écrit – plomb,
mine de rien - reste, entre la trace et
l’effacement, un signe pur, comme le Nom sur la
peau du monde brûlée par l’Histoire.
Mais en haut de ses tableaux,
à la marge de la terre, Danièle pose
toujours un carré de ciel bleu.
L’éternité. Son Histoire.
Michel
Eckhard Elial.
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