Peindre,
c'est effacer
Sans doute une catastrophe s'est-elle produite,
mais nul n'a songé à nous en
avertir, catastrophe qui amène à
vaciller aussi bien l'intimité
saccagée ( la tienne, la mienne ) qu'un
quotidien devenu apocryphe suite au
déferlement d'images que nous
subissons. Toute vision s'en trouve
irrémédiablement
brouillée.
Les toiles de Danièle GIVRY rendent compte
d'un tel événement encore
gardé secret. Ce qui n'a pas encore
disparu, elles se proposent de l'oter, sans
sombrer pour autant dans les mirages du
minimalisme. Leur frémissement naît
de cette quasi-disparition et tient
peut-être tout entier en ce quasi: comme si
à cet effacement revenait de laisser
apparaître la peinture.
Ce suspens de l'anecdote, la peinture le requiert
pour pouvoir se manifester: tout à la fois,
il lui faut affirmer et nier ce personnage, ce
lieu, cet objet. Geste unique où dedans et
dehors se mêlent jusqu'à en devenir
indiscernables.
Maintenir des traces ( à peine des traces
)venues de l'éphémère, traces
rongées par une mémoire qui ne se
résout pas à se perdre
totalement dans l'oubli: ainsi ces toiles montrent
notre faiblesse, notre force, celles du monde,
également.
Histoires minées de l'interieur comme de
l'extérieur; représentation en
deroute où le spectateur à son tour
s'efface: ces toiles détruisent
inlassablement les images en les maintenant. Les
détruisent parce qu'elles maintiennent.
Toujours relancé, ne pouvant
jamais rien fixer, le regard se perd dans le
mouvement de cet inachèvement ( de la
peinture, du regard );
mouvement inachevé; mouvement
inachevable...
Dominique Labarrière
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